LA SEINE

Quatrième fleuve-arbre français par l’étendue de son bassin versant, de son feuillage, voilà la Seine ! Arbre très médiatisé cette année en 2024, entre les Jeux olympiques, la dépollution de ses eaux, la reconstruction de Notre-Dame... Un arbre longtemps malade, qui va mieux. Porte d’entrée des porte conteneurs et siège de deux ports majeurs, le fleuve est profondément investi par les humains, sont lit dragué pour y faire circuler des navires toujours plus gros. On est loin de cette époque où l’ on vénérait Sequana, déesse gauloise du fleuve et des eauw.

Troisième fleuve français de la série, la Seine est aussi transfrontalière : une source de l’Oise vient de Belgique. D’un point de vue strictement hydrologique, ce n’est même pas elle qui a le plus gros débit, dépassée par l’Yonne et l’Aube. Mais son importance historique, fluviale et géographique justifie qu’elle ait donné son nom à l’arbre. La Seine touche même deux « tripoints hydrographiques », là où trois bassins se rejoignent : un phénomène rare, comparable à la « timidité des cimes » entre les arbres, quand leurs feuilles évitent de se toucher. Autre fait intéressant, La Seine connaissait jadis une sorte de remontée de sève appelée « mascaret » — une vague de marée spectaculaire, aujourd’hui disparue à cause du dragage de l’estuaire.

Dans l’imaginaire collectif, elle est le fleuve français par excellence. Ses branches portent Paris, Rouen, Reims, Chartres… et c’est entre Tours, Paris et Rouen qu’a évolué la langue d’oïl devenue français. C’est aussi dans la basse Seine qu’ont émergé les chefs-d'œuvre impressionnistes, bercés par les reflets et lumières du fleuve. Avant eux, les Vikings empruntaient déjà ce tronc pour entrer au cœur du pays : pillages, mais aussi legs culturels, linguistiques (en islandais, « Seine » se dit toujours signa).

Ce n’est pas un arbre immense : 80 000 km² de feuillage, une altitude modérée, un climat tempéré et relativement sec. Peu de crues spectaculaires (la dernière centennale date de 1910), car régulée par des barrages et écluses. Mais beaucoup de vie ! Près de 30 % des Français — soit plus de 20 millions de personnes — vivent dans son feuillage. Ses ports fluviaux, Paris et Rouen, sont parmi les plus importants d’Europe, ce dernier étant le premier port céréalier européen, nourri par la Beauce, branche fertile de l’arbre.

Plus bas, entre Paris et la mer, son tronc se tord en boucles et méandres : le terrain est plat, la Seine prend ses aises. De nombreuses îles s’y trouvent, comme de longs nœuds dans le bois — l’île de Saint-Denis, par exemple, mesure 3,5 km de long pour seulement 100 à 300 m de large. Son lit devient si large en aval qu’on y trouve peu de ponts, mais beaucoup de navires de haute mer. Le pont de Normandie, géant de béton, et celui de Tancarville, plus ancien, marquent les esprits lors de leur construction — jusqu’à donner son nom aux étendoirs à linge, appelés “Tancarvilles” en Normandie !

Quel arbre, alors, pour représenter la Seine ? Le frêne, sans doute : commun dans la région, souple et solide, jadis utilisé pour les avirons, rappelant les raids vikings et l’époque médiévale et son commerce fluvial intense. Un arbre du voyage, du transport, de la souplesse et de la mémoire. Un arbre digne de porter ce grand fleuve apprivoisé mais puissant.

le frêne Seine, Fraxinus Sequana

le fleuve-arbre au microscope :