LA LOIRE

Vous avez peut-être lu d’autre portraits hydro-botaniques avant d’arriver sur celui ci, mais sachez toutefois que c’est par la Loire que j’ai commencé cette exploration passionnée des fleuves de notre planète, allant sous d’autres latitudes, observer des arbres plus étranges, plus long, plus peuplés, recouverts de neige, trempés, ou aux feuilles sèches et dure. J’ai fait tout ce voyage en partant de mon petit arbre de naissance que je vous partage ici. Un arbre moins grand, moins humide, moins tumultueux, moins étrange que bien d’autres, certes, mais pas moins intéressant. 

La Loire : c’est le dernier grand fleuve sauvage de France, long de près de 1000 km, dont la source naît en Ardèche, à quelques encablures du Rhône. Son histoire contient une part de mystère : des scientifiques pensent qu’elle aurait autrefois bifurqué vers la Seine pour se jeter dans la Manche — une Loire séquanienne, affluent du gigantesque fleuve Manche, vestige d’un passé lointain.

La Loire vit, danse presque, traçant des boucles et des méandres comme une danse. Tel un arbre, elle change au rythme des saisons et est en constante évolution :  formant des courbes, des lignes, des renflements, des entrelacs et des creux, le tracé du tronc et des branche évoque une chorégraphie parfaitement maîtrisée. Tout comme un arbre qui change au fil des saisons, croît, fleurit, se dilate, perd ses feuilles, se rétracte, se tord sous les contraintes, la Loire aussi, chaque hiver, grossit, se déforme, s’agite, pour ensuite rentrer en dormance l’été, saison où il se contracte et où un nouveau cours apparaît parfois…

L’embryon du tronc de l’arbre prend forme dans les pentes du Massif central, où de petits ruisseaux deviennent torrents, puis rivière navigable dès Saint-Étienne. Passée Roanne, elle s’apaise : la Loire moyenne débute, tel un arbre adulte. C’est là, entre Orléans, Blois et Tours, que l’arbre-fleuve a vu fleurir châteaux, royaumes, œuvres et cités historiques, dont le pollen a inspiré l’Europe entière. Plus bas, dans la Loire inférieure, son tronc s’élargit, ses bras morts — les "boires" — se gorgent d’eau en hiver. Ce bas de l’arbre, industriel et océanique, relie Angers, Nantes et Saint-Nazaire, mémoire douloureuse de l’esclavage mais aussi carrefour de commerce, d’aménagements fluviaux et d’échanges maritimes.

Si la Loire était un arbre ? Ce serait un vieux chêne pédonculé, Quercus robur : majestueux, ancré, nourri d’humidité, porteur d’une mémoire millénaire de cette ancienne Europe boisée. Arbre de la construction navale, des tonneaux, des charpentes gothiques, le chêne incarne la Loire : noble, lente, puissante, enracinée.

Voici donc le Chêne Loire, Quercus robur Ligeris, notre premier Fleuve-Arbre, dont les branches traversent le pays — Languedoc, Lyonnais, Nivernais, Orléanais, Touraine, Anjou, Haute Bretagne — jusqu’à se fondre dans l’Atlantique, tel un végétal géant couché à l’horizontale.

Le chêne Loire, Quercus Ligeris


Et si on regardait le fleuve-arbre au

microscope, avec des fausses couleurs ?