LE LAC EYRE
En bleu clair, les zones inondées de manière saisonnière
Voilà un arbre étrange qui vous rappellera sans doute un autre spécimen de la série, le baobab Okavango. Peut-être une espèce “cousine” ? En tout cas, le lac Eyre, ou plus exactement, le bassin endoréique du lac Eyre qui se situe en Australie – et représente 20 % de sa surface, soit la France, l’Allemagne et l’Italie réunies –, est encore plus étrange que l’Okavango. Reprécisons-le ici : un bassin endoréique est une étendue géographique où coulent les affluents et sous-affluents d’un lac ou d’un fleuve non connecté à la mer.
À l’image de la faune australienne, exceptionnelle, bizarre et parfois très dangereuse, le fleuve-arbre (ou plutôt lac-arbre) Eyre est quasi-extraterrestre par rapport aux autres fleuves de la série. Tout d’abord, il y a sa structure en forme de buisson, sans embouchure, puis ses cours d’eau tous semi-permanents, qui s’amincissent par évaporation à mesure qu’ils coulent vers le bas du bassin, les années de fortes pluie seulement. Mentionnons aussi son aridité et sa chaleur extrême qui rendent cette région, faisant partie de l’Outback australien, dangereuse et peu propice à la vie humaine. Pour couronner le tout, ce drôle d’arbre peut s’enorgueillir de posséder la plus vieille branche de la planète, la rivière Finke et ses 400 millions d’années, qui n’est ironiquement même pas connectée au reste de l’organisme car quand elle coule, quelques jours par an, elle finit absorbée par le désert de Simpson. L’eau des pluies de mousson du Nord-Est, pour sa majorité, n’arrive pas jusqu'au lac, situé 1000 kilomètres plus au sud, dans le lac qui se situe à 16 mètres sous le niveau de la mer.
Le lac-arbre Eyre partage un autre point avec l’Okavango et son système : les lacs salés, ces grandes étendues de terres riches en sel, presque parfaitement plates et en eau seulement quelques jours par an. Ils sont formés par l’accumulation des sels que transporte l’eau mais quand cette dernière s’évapore, les sels restent et se déposent. Ce lac est en quelque sorte le cœur de l’arbre, irrigué de toute part, renvoyant ensuite le liquide vital vers le ciel par évaporation, pour alimenter le grand organisme mondial. Et si cette métaphore ne vous convainc pas, allez voir les photos qui montrent le lac et sa couleur unique.
Le lac Eyre et son bassin ont beau avoir un grand cœur, ce n’est pas assez pour les humains qui ne sont que 60 000 à vivre dans ses limites. Et pour cause : sans eau ou canaux d’irrigation pour l’amener d’ailleurs, la vie ne prend pas, hormis ce que permet l’élevage extensif qui fait tourner l’économie locale. Certains animaux et plantes chez qui l’évolution a parfois été plus généreuse en talents d’adaptation peuvent tout à fait s’accommoder de cette rigueur hydrique, mais quand les rivières reprennent vie, emplies de l’eau des pluies, c’est comme une fête qui démarre : les oiseaux et mammifères convergent vers l’eau du lac tandis que les rives verdissent de bonheur.
Sur ces rives on trouve justement un arbre, l’Eucalyptus coolabah, Eucalyptus coolabah, ou juste Coolabah. L’arbre est un membre du grand genre Eucalyptus dont les espèces, pour certaines immenses et très feuillues, sont associées à l’Australie et la Tasmanie, d’où ils sont originaires. Pas étonnant quand on sait que trois quarts des forêts d’Australie sont composées de quelques-unes des 700 espèces du genre. Le coolabah est un ambassadeur idéal pour représenter l’intérieur de l’Australie, l’Outback qui reprend vie le temps d’une pluie le long de veines vertes, tant cet arbre a évolué pour être parfaitement en phase avec cet environnement. Son bois de couleur ocre ou rougeâtre rappelle lui aussi le sol de l’Outback tandis qu’il trouve depuis des milliers d’années une utilité chez les populations aborigènes qui l’utilisent pour la fabrication de lances, d’assiettes, d’ustensiles et de bâtons-messagers.