L’AMAZONE
Place au géant parmi les géants : l’Amazone. Si la Loire est notre grand fleuve national, l’Amazone est le plus grand du monde — par son débit, son bassin, sa forêt, son imaginaire. Un Goliath absolu, dont les dimensions dépassent l’entendement : plus de 6 millions de km² de bassin versant, soit 12 fois la France, et un débit qui représente à lui seul un cinquième des eaux fluviales de la planète.
Le fleuve est l’axe central d’un arbre-monde, indissociable de la plus grande forêt tropicale de la Terre. Ce Fleuve-Arbre Amazone est arrosé par les fameuses rivières atmosphériques, courants d’air saturés de l’eau évaporée par la forêt elle-même. L’eau s’élève, voyage, puis retombe en pluie, bouclant le cycle qui alimente à nouveau arbres et rivières. Cette forêt est fertilisée par les vents, depuis le Sahara, qui déposent là-bas un peu de poussière d’Afrique. Un organisme immense mais fragilisé : chaque année, des millions d’hectares disparaissent, arrachés pour cultiver le soja, entre autres, et nourrir les élevages du Monde.
Les superlatifs manquent pour décrire l’Amazone. Son débit atteint 209 000 m³/s à l’estuaire — contre à peine 1 000 pour la Loire. C’est 210 Loire réunies. Le fleuve peut mesurer jusqu’à 10 km de large, et dans sa basse vallée, on ne voit l’autre rive que par temps clair. Son surnom, "fleuve-mer", donné par les autochtones, prend alors tout son sens. Son indice de Strahler — qui mesure la complexité du réseau — est de 12, un record mondial.
Sa cime ? Elle culmine dans les Andes, à 6000 mètres d’altitude. De là, mille affluents le nourrissent : Equateur, Colombie, Pérou, Bolivie, Venezuela, Brésil. Parmi eux, le Rio Negro, fleuve noir chargé d’humus et de fer, contraste avec les rivières blanches comme le Rio Branco, transportant sédiments arrachés à la montagne. Certains de ces fleuves coulent parallèlement sans se mélanger sur des kilomètres — un phénomène fascinant. Lorsque tous ces affluents s’unissent, le tronc de l’arbre Amazone prend forme. Il s’enracine dans un delta mobile, monde d’eau et de bois, de maisons sur pilotis, où l’eau salée remonte de plus en plus, menaçant les villages. Le palétuvier, aux racines aériennes et extravagantes, en tapisse les berges. Il est à la fois filtre, abri, ancrage, symbole. C’est ici que le fleuve prépare sa rencontre avec l’océan.
e phénomène le plus poétique est sans doute le panache de l’Amazone : une traîne d’eaux douces à la sortie de l’Amazone, repoussée par les courants marins vers le nord-ouest, jusqu’aux Antilles. Un filet de racines liquides venu toucher d’autres îles, d’autres rivages, charriant sédiments, nutriments… et pollutions.
Si l’Amazone était un arbre, ce serait un palétuvier. Lui aussi a les pieds dans l’eau, absorbe le sel, stocke du carbone, abrite la vie. Il est fait pour les inondations et le monde amphibie. Voici donc le Palétuvier Amazone, Avicennia amazonica, qui relie la montagne aux tropiques, la forêt au large, la Terre au ciel.
Le palétuvier Amazone, Avicennia Amazonia